« Cette année est celle d’un choix que je vais devoir faire, la double étiquette Président / Coach n’est plus vraiment possible… Je vais devoir faire un choix : renoncer au terrain pour me consacrer à mes fonctions de président ou renoncer à présider pour poursuivre mon travail de coach. Ce sera un choix difficile mais je ferai ce que je juge être le mieux pour le club… mon premier bébé … » (CD)

Revenons quelques années en arrière, en 1994… Christophe Deudon est un jeune collégien qui ne connaît le football américain que par le biais des matchs de NFL et du cinéma. Le foot us est venu à lui par hasard, par une tracte distribuée dans le bus qui le menait au collège, prise sans attention particulière, négligemment rangée dans la poche de son jean. Le hasard fait son œuvre, le jeune Christophe la découvre le soir même, froissée mais bel et bien là, placée devant lui comme une évidence. L’aventure débute ainsi, un soir de 1994 dans la chambre d’un jeune collégien qui décide de se lancer dans un sport qui ne le quittera plus. Pratiquant déjà le rugby mais ne s’y sentant pas à sa place, Christophe Deudon a 15 ans lorsqu’il se rend pour la première fois à l’entrainement des Trident de Brest. Il y va par curiosité, « juste pour voir » ; il ne lâchera plus jamais le foot us. L’expérience au Trident dure deux ans, années durant lesquelles il se prend de passion pour le football américain. En 1996, suite au souhait du président de quitter ses fonctions, Christophe Deudon accepte la tâche de secrétaire afin de faire perdurer le club. Le bilan de l’année est néanmoins négatif tant au niveau sportif (peu de résultats) qu’au niveau humain (manque d’effectifs). Le club des Trident cesse d’exister… L’aventure aurait pu s’arrêter là mais le hasard poursuit son cheminement et place les Kelted sur la voie de Christophe Deudon. Là, il fait une rencontre décisive, celle de Christophe Bigot, grand joueur, fullback ayant évolué dans des clubs prestigieux, entraineur charismatique, expérimenté et passionné. Cette rencontre marque profondément Christophe Deudon qui évolue au Kelted jusqu’en 2001. Avec nostalgie, il se remémore cette époque où lui et 7 autres brestois faisaient deux fois par semaine l’aller retour pour se rendre à l’entrainement.

La passion. Toujours elle, placée au cœur des motivations, de l’envie de se dépasser comme l’atteste ce match inoubliable : Quimper – Angoulême. Il est 5 h du matin lorsque Christophe Deudon arrive au lieu du départ de la navette devant les mener lui et son équipe affronter Angoulème. La surprise est de taille lorsque l’effectif compte 8 joueurs au lieu des 9 obligatoires. Que faire ? Renoncer, déclarer forfait, rentrer chez soi ? Ou se battre, aller au feu ? Peu importe l’effectif, l’envie d’en découdre est trop obsédante !! C’est à 8 qu’ils se dressent devant le président du club d’Angoulème ; « en face, ils étaient 40 joueurs… », le prêt d’un joueur de l’équipe adversaire leur est nécessaire, « un débutant dont la consigne était de toujours suivre le même tracé… ». Le combat s’annonce improbable. Pourtant, tel David s’opposant à Goliath, le Kelted se lève devant cette « armée », lui fait front en dépit des plaquages, des coups, des blessures. Le score final tombe : 6 – 6, une fierté pour ces 8 joueurs dont l’envie et la rage ont dominé… La vie reprend son cour, les exigences de la vie adulte l’accompagnant. Les aller retour deviennent compliqués à gérer, les brestois étant de plus en plus les seuls présents aux entrainements. Un break s’impose, pendant 6 mois Christophe Deudon arrête le football américain…

Durant cet arrêt momentané de la pratique du football américain, germent peu à peu l’idée et l’envie de fonder un club en dépit des difficultés inhérentes à ce type de projet. Quatre mois vont être nécessaires pour concevoir le Tonnerre de Brest…

En mars 2003, le Tonnerre de Brest voit le jour et tout reste faire car l’effectif ne compte que huit joueurs. Christophe Deudon, Fabrice Brard, Eric Prévot, et Erwan-Trestant Laigle (membres fondateur) ne ménagent pas leurs efforts, leur souhait étant bel et bien de faire perdurer le club. Au fils des années, de nouveaux joueurs rejoignent les rangs permettant ainsi l’ouverture de plusieurs catégories, les saisons se succèdent avec leurs lots d’échecs et de victoires, les matchs se jouent avec cette envie de faire raisonner le nom Tonnerre de Brest. Christophe Deudon se souvient des veilles de match, l’estomac noué, l’effacement de l’homme au profit du joueur pour lequel rien ne peut investir le territoire de l’affrontement à venir :

« Lorsque je suis sur le terrain, il n’y a que le match qui compte, le reste, je l’oublie. Je hais perdre, je déteste ça. Je ne suis pas un mauvais perdant mais je hais perdre. Tant que le coup de sifflet final ne retentit pas, le match doit se joueur, les joueurs doivent tout donner pour ne rien regretter. »

Etre habité par une passion qui mène au-delà des limites, se dépasser de manière inconditionnelle tel était Christophe Deudon, joueur… Foulant la terre sans relâche, se battant avec rage pour aller chercher la victoire, refusant l’échec, s’y pliant avec contrainte en refaisant mentalement le match raté pour en tirer un enseignement. Tel était celui qu’aujourd’hui nous nommons «Prési-coach », un joueur « habité » qui en 2010 doit affronter l’épreuve la plus difficile à encaisser pour un sportif, la blessure fatale, celle qui condamne à rester sur le bord du terrain, celle dont on n’est pas sûr de se relever. Un plaquage par derrière abat en plein vol Christophe Deudon ; la jambe gauche brisée n’en demeure pas moins que la partie visible d’une blessure bien plus profonde à savoir le renoncement, le deuil d’une partie de soi- même… De cet épisode douloureux, Christophe Deudon relate les étapes de sa guérison, les moments de doutes et aussi cette frustration mêlée de colère : « Ne plus pouvoir être en contact avec ma passion, avoir dû raccrocher les crampons trop tôt, sans m’y attendre, la frustration de voir les autres jouer et toujours avoir à l’idée de se battre, de ne pas laisser tomber ». Plusieurs mois sont nécessaires à la rémission de sa jambe, le mental, lui, ne guérit pas mais cela, Christophe Deudon le cache, le garde pour lui, muré dans une douleur muette. Désormais coach, il se contente de voir ce qu’il lui est refusé. La frustration grandit à mesure des matchs et c’est le clash lors de l’un d’eux : « Le score était de 35- 00 à la mi-temps, les joueurs ne semblaient pas s’en inquiéter, certains avaient le sourire aux lèvres… Je n’encaissais pas de voir ça, en tant qu’ancien joueur, jamais je n’aurais eu cette attitude. Alors, j’ai hurlé, j’ai évacué cette frustration de les voir prendre à la légère le match, de les voir sans passion, sans rage alors qu’eux pouvaient jouer. Ce joueur là, j’ai renoué avec le joueur toujours en moi, j’ai accepté ma blessure, j’ai appris à gérer cette frustration ». Là où d’autres ne se seraient pas relever, Christophe Deudon tire un enseignement afin de renouer avec sa passion, la voir autrement que sous le seul regard du joueur afin d’être un bon coach :

« Aujourd’hui, mon univers sur le terrain, c’est l’équipe sénior »…

La transmission, la volonté de créer une osmose tout en révélant les individualités, la lutte constante pour que chaque joueur repousse ses limites, ses failles, ses doutes, l’envie que chacun d’eux dépasse la douleur, les blessures, que tous soient fiers de porter les couleurs du Tonnerre et leur fassent honneur, qu’ils ne soient qu’un face à l’adversaire, voilà quels sont les objectifs de Christophe Deudon.

« La saison 2013- 2014 doit révéler le Tonnerre qui n’est pas considéré puisqu’absent des playoffs. Pour y accéder, il lui faudra faire partie des 8 premiers de la Conférence Nord. Pour cela, il faudra une saison quasi parfaite…. Au-delà des objectifs comptables, je veux leur transmettre la rage de vaincre, être des chiens de guerre qui entrent sur le terrain pour le conquérir. Je veux qu’ils soient conscients de leurs possibilités en tant que joueur à titre individuel et tant qu’équipe, tous soudés.»

Christophe Deudon livre sa volonté que le Tonnerre domine la poule, que son équipe ait la détermination et la rage de parvenir au rang des grandes équipes que sont les Flash, les Argonautes, les Black Panthers… Sans aucune prétention, il souhaite simplement voir grandir le bébé nait il y a 10ans, le voir entrer dans un cycle de qualification aux playoffs et au-delà, reconnaître en lui l’héritier des valeurs insufflées par ses fondateurs.

Le club est à un tournant, Christophe Deudon le sait et songe à redéfinir sa place au sein du Tonnerre :

« Je dois trouver qu’elle est ma véritable place pour que le club que j’aime grandisse. J’ai la chance d’être entouré d’une équipe qui a des possibilités, de Jenny qui est à fond dans ma passion mais ce choix, entre être coach ou président, je devrai le faire seul. J’ai conscience de la fragilité du Tonnerre, de ce colosse au pied d’argile… »

C’est humblement que Christophe Deudon poursuit sa tâche au Tonnerre, tel un père bienveillant, il a à cœur de le guider au mieux en écoutant le point de vue de chacun qu’il soit joueur ou non. Là réside la grande force de Christophe Deudon ; se remettre en question, accepter de ne pas être irremplaçable. Dans deux jours, le premier match de la saison aura lieu, un match déterminant. A la question, « que voudrais-tu dire à tes joueurs avant ce match qui te semble si important ? », Christophe Deudon vous livre ces quelques mots :

« Il faut considérer ce match comme un match de playoffs. Au coup de sifflet final, n’ayez pas de regrets, donnez vous les moyens d’accéder aux objectifs fixés… JOUEZ SANS LENDEMAIN !!! »

Myriam Rondet.

"Il faut savoir donner avant de recevoir”….

La transmission, préoccupation majeure de Steeve Guersent dont la carrière débute en 1995 ; année durant laquelle il fait ses premiers pas en tant que cadet dans l’univers du football américain. Au sein des Mousquetaire de Plessis Robinson qui, avec les Argonautes, demeurait l’une des équipes phares de ce sport dans les années 1990, il découvre ce qui peuplera désormais sa vie.

Dès lors, son investissement est total. En 2000, il intègre à Amiens le Pôle Espoir où il s’entraîne une à deux fois par jour durant 3 ans menant parallèlement des études de STAPS. Puis de 1998 à 2011 s’enchevêtrent le temps de l’Equipe de France (1998- 2011, catégorie sénior, ligne offensive) et celui des Spartiates (2003- 2011). Face à la difficulté, il fait bloc, obtenant en 2004 et 2010 ces titres de Champion de France Elite. C’est également chez les Spartiates qu’il se découvre une autre vocation, celle d’entraineur pour laquelle il reçoit une formation. Initiation au flag, intervention en milieu scolaire, animation de divers ateliers, Steeve Guersent prend de l’expérience et peu à peu se voit confier le coaching des catégories cadet et junior. Steeve passera même quelques semaines d’été, dans certaines équipes universitaires ou pro, afin d’apprendre auprès des meilleurs : Framingham state, Wisconsin Stout, Idaho Vandals, Boise State Broncos, Boston College, Carolina Panthers.

La consécration en tant qu’entraineur vient en 2010 et en 2011 par l’obtention de deux titres de Champion de France Junior.

La conviction de transmettre devient une évidence et se confirme de 2005 à aujourd’hui par son poste d’entraineur de l’Equipe de France « Junior » (ligne offensive), avec laquelle il remportera plusieurs médaille : champion d’Europe en 2006, 3^e en 2008, finaliste en 2011 et 2013, 8^e place à la coupe du monde 2007, 7^e place à la coupe du monde 2009 et 6^e place en 2012.
Nommé Directeur sportif du club des Spartiates et Responsable du Pôle France de football américain, Steeve Guersent s’évertue à conserver sa place sur le terrain, non plus en tant que joueur mais en qualité de coach et de conseiller.

Durant le weekend du 27 au 29 septembre 2013, le Tonnerre de Brest a eu l’opportunité de l’accueillir. Trois jours consacrés à un approfondissement des techniques et stratégies de jeux ainsi que de coaching. A la question relative à ses « impressions quant à ces trois journées », Steeve Guersent déclare que l’envie manifeste du Tonnerre est le garant de sa progression. Il s’agit d’être acteur d’un projet, de toujours faire preuve de détermination afin de dépasser les contingences inhérentes de tout club et d’accéder au meilleur de soi. Une forme de renoncement à soi est mise au profit de ses coéquipiers ; c’est à ce prix que l’entrée sur le terrain est viable. Le Tonnerre de Brest bénéficie d’un noyau dur de joueurs fidèles, déterminés, animés par la passion de ce sport, inlassablement poussés par le désir d’outrepasser leurs limites. Bien que constitué de joueurs de niveaux différents, Steeve Guersent souligne les possibilités du Tonnerre, un club « prometteur, énergique, dynamique, placé entre de bonnes mains tant au niveau des dirigeants que des coachs ».

« Je souhaite donner, transmettre, former, peut-être même plus au niveau des coachs que des joueurs, puisque c’est les coachs qui vont guider et faire les joueurs qui évolueront sur le terrain »…

Au terme de ce training camp, Steeve Guersent nous livre sa volonté de poursuivre, dans les années à venir, cette démarche de transmission au niveau des clubs en développement. Il confie également son plaisir toujours inchangé de fouler un terrain de football américain, d’échanger avec des joueurs et des coachs dont la passion demeure sincère et communicative.

« Durant des journées comme celles-ci, je vois l’avenir du football américain français »… Un avenir rendu possible par cette passion commune, tenace, unissant chacun des membres du Tonnerre de Brest : donner le maximum, accepter de tomber pour mieux se relever, affronter chaque épreuve de ce long parcours initiatique et formateur qu’est la quête de pérennité et enfin, rendre hommage « aux grands hommes, dirigeants et coachs, aux bénévoles… » à tous ceux qui ne cessent de croire au potentiel indéniable d’un club en devenir.

Myriam Rondet.